samedi 10 novembre 2007

Récit UTMB 2006

Récit Ultra Trail du Tour du Mont Blanc (UTMB) 2006

Eh oui, j'ai remis ça cette année ! J'ai pas assez souffert l'an dernier, faut bien que je recommence !!
Le départ de chez moi est plus festif que l'an dernier, étant donné que j'aurai une dizaine de supporters rien que pour moi, dont sept pendant toute la course !!! Bref, je pars motivé et super excité !
On en profite pour emmener un certain Laurent Tissot... qui finira 28e de l'UTMB en 25 h 37....RESPECT !!!
Arrivé à Chamonix, l'effervescence est bien présente, mais j'ai quand même moins de pression qu'il y a un an !!!
Retrait des dossards, petite apparition de Christophe Jacquerod (vainqueur 2005 en 21 h...). Ensuite j'erre un peu dans Cham sans oublier la petite sieste qui fait du bien !!!
Vers 17 h, préparation du matos puis Go to the départ !!!!!!!! Ah, cette boule au ventre d'avant course.....
Le départ... pfffffffff.... impressionnant !! 2500 coureurs et le double de spectateurs !!!
Attente de 18 h 30 à 19 h pour le départ, une demie heure longue, très longue !!! Je m'assois, me relève, m'assois, me relève, ....!!! Les jambes partent toutes seules, les fourmis remontent des pieds aux jambes puis au bras et me prennent les tripes !!! Le coeur s'emballe !! Pour vous décrire ce sentiment, je vais prendre l'édito d'Ultrafondus magazine, de P. BILLARD qui retranscrit parfaitement ce qu'on vit à ce moment là : " J'ai l'impression d'être assis à côté tellement il s'emballe. Un coeur énorme, battant au même rythme que celui de centaines de coureurs. Des centaines de coeurs qui sont aussi le mien. Même passion, vécus différents, mêmes joies, angoisses différentes. La musique monte fort, de plus en plus fort, si fort qu'elle semble partir du fond de mon ventre pour me grimper à la tête avec puissance. Cette force me descend dans les cuisses et jusqu'aux doigts de pieds. Elle parcourt mes bras, mes doigts, et traverse mes bâtons. Jamais je ne me suis senti aussi prêt. Un corps en béton armé. Un mental à grimper l'Everest. Et ce coeur qui veut déjà s'en aller
vers les sommets, va t-il remplir son rôle ? Irriguer mes muscles, nourrir mon estomac, clarifier mon cerveau. On dit souvent que les grandes peurs ou les morts violentes créent un instantané de vie. En une fraction de seconde, on se revoit bébé, enfant, adolescent, adulte. On revit une dernière fois ses grandes joies, ses grandes douleurs. On s'éblouit du flash des visages heureux des
personnes aimées. Je sais aujourd'hui que l'approche des grands moments de vie donne les mêmes sensations. Mes proches, mes amis, mes parents sont avec moi. Pour qu'ils soient fiers de moi, je me concentre. Dans quelques instants, j'offrirai le visage du bonheur simple. Dans quelques minutes, je verrai si je sais toujours courir. Dans quelques heures, je devrai gérer mon effort. Ensuite, rester lucide, profiter du moment, et laisser mon coeur battre au rythme de ma foulée. Être là, juste ici, nulle part ailleurs. Que c'est bon. "
Voilà exactement le ressenti qu'on a sur le départ de cette course.
5...4...3...2...1... C'est parti pour les 158 Km, 8600 m. de dénivelé positif et 8600
m. de négatif, tout en traversant 3 pays (France, Italie, Suisse).
A peine 5 mètres de course et déjà un frisson énooooooooooorme de voir tout ce monde au bord, ma famille, mes amis, et tout le reste !!!
Le départ est un peu chaotique...2500 coureurs avec les jambes qui démangent, ça déménage !!! Comme l'an dernier, je suis sur un nuage jusqu'à la sortie de Chamonix (1035 m) (Km 3), les gens sont très nombreux et l'ambiance est très prenante. Déjà je trouve que c'est parti bien vite cette année !! Pas loupé, je
pars sur les mêmes bases que l'an dernier alors que ça devait être moins
rapide...mais bon quand on a 2499 personnes qui courent vite, on coure vite... logique !! Un peu avant les Houches (1013 m) (Km 8), je vois certains qui boitent
déjà... les boules !!! Traversée des Houches, mes supporters sont là !! Ça fait du bien !!! Ravito rapide, coca, eau gazeuse et pain d'épices. Je sors les bâtons et on attaque les choses sérieuses... montée au Col de Voza (1653 m)!! Et là, en panorama, un coucher de soleil sur le Mont Blanc... j'en ai presque le souffle coupé... dommage quand on court...!!! Au col, il fait déjà bien froid, environ 5 à 6 °, je me rhabille un peu, je me ravitaille bien et c'est parti pour une longue
descente jusqu'aux Contamines !!!
L'accueil aux Contamines est vraiment super chaleureux, beaucoup de personnes et bien sûr mes supporters favoris...toujours agréable ! d'autant plus qu'ils me disent que je ne les reverrai pas avant Courmayeur, en Italie !! Bon ravito, je parle 5, 10 minutes avec eux et je repars pour ne pas me refroidir, parce que ça commence à cailler sérieux !! Direction La Balme (Km 33), je me retrouve à la hauteur d'un Vosgien de 29 ans, on fera ces 9 Km ensemble, en parlant de la course et un peu de tout. Ravito de La Balme, on mange et on boit
ensemble, puis on repart pour l'ascension d'un des points sensibles de la course, le Col du Bonhomme puis la Croix du Bonhomme (2433 m) (Km 38). On monte super bien, et un peu avant le sommet, il part car il sent qu'il va ralentir dans la descente donc je le rattraperai plus loin. Arrivé
un peu avant le sommet, je retrouve un ami et son père venu me supporter et
m'accompagner sur 1 ou 2 Km... super agréable de retrouver du monde là haut à
1 h du matin...!!! MERCI
Je mange un bout en haut avec eux et je repars pour la longue descente jusqu'aux Chapieux (1549m) (Km 44). Je ne retrouve pas mon collègue dans
la descente mais je double pas mal de concurrents.
Arrivé aux Chapieux... tout le monde est là !!!! LE PUR BONHEUR, ils sont venus jusque dans ce trou perdu vers Bourg St Maurice, juste pour me voir 15 minutes !! Un grand merci encore !! Les jambes vont super bien, je suis super frais, et le mental est au beau fixe après les avoir vus.
Je repars et en même temps que moi, un concurrent...c'est mon Vosgien, cool on fera la montée jusqu'au Col de La Seigne (2516 m) (Km 54) ensemble (une montée qui a été un véritable enfer pour moi l'an dernier...)
Ça grimpe sec, mais à deux tout passe beaucoup mieux ; je suis un peu dans
le rouge sur la fin, mais le Vosgien me rebooste. En haut, un vent monstrueux,
il fait en dessous de zéro puisque le sol est gelé. Je me dis que je suis déjà en
Italie. Il est à peu près 4 h du matin, le mental fléchit un peu, les souvenirs de
l'abandon de l'an denier reviennent au galop. Je laisse mon vosgien qui me dit
qu'il est pas bien, j'ai pourtant tout tenté pour le rebooster mais rien à faire. Je
pars donc seul dans la descente jusqu'au Refuge Elisabetta (Km 58, abandon de l'an dernier) et là les problèmes s'enchaînent.
Tout d'abord, j'ai pu expérimenter l'expression : " dormir debout " !! Si
si c'est possible, je luttais pour pas m'endormir mais ce qui devait arriver
arriva, je m'endors en marchant, pendant 2 secondes et je me prend une grosse gamelle sur un caillou...ça fait mal, mais l'avantage c'est que ça réveille !! Au passage, je plie mon bâton qui a bien reçu !! Mais les aventures de Gaston continuent : 50 m plus loin on traverse un petit ruisseau ; la tête dans les étoiles, je glisse sur une pierre et tombe dedans... inutile de vous
dire qu'avec un vent à 0 degré, une température négative, et de l'eau de glacier... j'avais froid !!! Mon collant a même gelé !!!!!!! J'étais frigorifié, mais cette fois bien réveillé !!
Pour rien arranger, je délire un peu, j'entends des voix connues derrière moi, je vois des rats alors que ce sont des touffes d'herbes... Là je me dis vraiment que ce sport est une drogue...
Je n'avais qu'une chose en tête : abandonner à Courmayeur dans 15 km !! Vu mon état, je me dis que ça ne sert à rien de prendre
quelque chose au ravito d'Elisabetta et je passe donc mon chemin.
2 Km plus loin, à 6 h du matin, le soleil !!!!!!!!!!!!!! Le miracle, je ne pensais pas
qu'il avait des vertus re-moralisantes à ce point là, juste un rayon m'a suffit
à tout oublier !! Je sèche pendant la montée. J'en profite pour m'arrêter au soleil pour manger un bout parce que la montée au Mont Favre (2435 m) (Km 63), ne se fait pas facilement.
J'arrive là haut, j'ai l'impression de voler, tout va bien, je descends en courant, je double un paquet de concurrents.
Petit passage au col Chécrouit, où je repense à mon vosgien qui m'avait dit
qu'un paysan du coin donnait du salami au ravito et qu'il était vraiment bon...
pas loupé !! J'ai du manger un cochon entier !! Je vais voir un médecin à
cause d'une douleur au tibia gauche,
il me diagnostique une périostite (inflammation du tendon du péroné), mais le mental est bel et bien là et l'anti-inflammatoire fera office de soin. En m'asseyant, je vois une danseuse du ventre... je me dis ça y est tu délires complet, mon pote !!! Ben non, c'est une vraie !!
Ça fait du bien de voir ça après une nuit dans le noir total !! Je repars, et elle danse vers tous les coureurs, donc j'y ai droit aussi...normal.... sympa tout plein !!
Là encore grosse descente jusqu'à Courmayeur (1190 m) (Km 72). Je double je sais pas combien de coureurs qui marchent, j'ai des jambes de gamin, je suis vraiment bien !!
Arrivé à Courma, je retrouve mes supporters favoris, je mange un peu, je me change avec eux, je reste environ 40 minutes ici. Les abandons sont nombreux à Courmayeur !! Pour moi, pas question je suis vraiment bien et je décide même d'accélérer un peu après Courma. Les 800 m de dénivelé positif sur 4 km se
passent comme sur des roulettes, je double 70 mecs dans la montée ! Au refuge Bertone (Km 76), on me dit que les prochains 10 Km sont assez plats... je
décide donc de manger léger mais efficace et de boire ce qui faut pour pouvoir courir tout le long... Bingo, je double encore un wagon de coureurs !!
La descente à Arnuva ( 1769 m) (Km 89) se fait sans aucun problème, j'en double encore un peu, depuis Courmayeur j'ai gagné plus de 300 places. Mais là les problèmes arrivent à grand pas... La montée au Grand Col Ferret (2537 m) (Km 93) se fait lentement, d'autant plus que l'on voit les concurrents du
dessus au sommet et là le mental à du mal à faire abstraction de ce petit détail...bien chiant !!! J'arrive en haut, (tiens, je suis en Suisse), malgré tout sans perdre trop de places mais je sens une grosse douleur au genou
gauche, impossible de le plier et donc pour marcher, ça devient relativement gênant !! Le temps se gâte d'un coup !! La pluie fait son apparition, je me dit " allez arrache toi, tu n'as que 10 Km et 1000 m de dénivelé négatif, ça va être tranquille "... ERREUR mon petit, l'enfer commence !!! Je fais 200 mètres dans la descente et vu que ma jambe gauche me faisait mal
(genou et tibia), je palliais avec la jambe droite... et évidemment, je me déglingue la cheville droite !! Résultat, sous une pluie battante, je fais ces 10 Km en 3 h 30 alors qu'une heure aurai largement suffit !!! Je marche à 2 Km/h
(vitesse réelle), à chaque impact au sol, je me demande ce que je fous là et croyez moi qu'en 10 bornes il y en a des impacts au sol !! 5 Km avant l'arrivée, la
pluie accélère, la température est de 7 degrés, j'ai l'impression d'avoir les bâtons greffés sur les mains, mes doigts ne répondent plus, je marche, je souffre, je doute. Tout est empiré, le froid devient très froid, la douleur devient insupportable, la motivation est resté au Km 93, avec du recul, je me dis que j'aurai dû remonter la chercher....!!
Ces derniers Km me semblent durer des heures, je suis trempé, la veste imperméable s'avère perméable, les chaussures étanches deviennent des baignoires, le sac est plus lourd, le mental n'est plus...
Enfin, j'arrive à La Fouly (1593 m) (Km 102), mes parents commençaient à flipper vu l'heure. En me voyant ils comprennent direct : ABANDON !!!
Je me fais pointer et je vais voir le médecin, le verdict tombe : périostite tibia gauche, tendinite du tendon du quadriceps du genou gauche, et entorse bénigne de la cheville droite. Je décide donc sagement de ranger les
baskets et d'abandonner.
J'ai quand même les boules, les jambes étaient là, le mental aussi, la pluie ne m'aurait pas dérangé, j'avais tous les fringues pour me changer... je reste donc un peu sur ma faim !!!!
Je fais quand même 102 km en 23 h 50 min et 51 sec. avec 6116 m. de dénivelé positif et 5558 m. de négatif. Je suis quand même très content de moi sur cette course, j'ai bien géré l'alimentation et la boisson, puisque aucun problème de ce côté là et j'ai encore vécu une course magique sur tous les plans !! La douleur est vite oubliée avec autant de côtés positifs (panorama, organisation, ambiance, accueil montagnard, ...)
Je tiens à remercier tout particulièrement mes supporters du direct : mes parents, Bouchette, Eddy, mon oncle Paul, mon cousin Julien, Jo, Juju, Ade, Léo et son père. Tous ceux qui m'ont suivi sur internet : la soeurette, Cha, Tom, Mornay's family, Catel's family, Camille, mes grands parents, les collègues de travail de mes parents... et sûrement d'autres que j'oublie !!! Un grand MERCI !!!
On y pense toute la course à ce soutien et vous êtes aussi importants que mes jambes pour
avancer !!!
Sans oublier bien sûr l'accueil cinq étoiles de la famille Reynaud qui nous a gentiment hébergé et offert le couvert pour la nuit de samedi à dimanche.
La grande question que vous vous posez maintenant, c'est «Est-ce que je pourrai venir le voir l'an prochain ?» Eh ben, je peux vous dire que dans l'heure qui a suivi mon arrêt, il n'était pas question que j'y retourne mais.... une bonne nuit de sommeil et la drogue refait effet !!!!
Je retente donc cette balade l'an prochain... eh oui, vous connaissez les ravages de la drogue, on ne décroche pas comme ça !!!!
MERCI A TOUS

Première féminine, Karine Herry a bouclé le tour en 25 heures, 22 minutes et 20 secondes.
A tout seigneur, tout honneur, Marco Olmo, 58 ans, a gagné
l'UTMB 2006 en 21 h, 6 m, 6 s !!!

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